L'amour et l'Âge

C'est terrible comme il me manque. Dire qu'on vient de passer trois jours ensemble.

C'est mon cuisinier, mon chauffeur privé, mon homme à tout faire qui me surprend toujours un peu plus chaque fois. Mousseux, poutine, massage ; il devine ce qui me fera plaisir et/ou il sait écouter entre les syllabes comme quelqu'un sait lire entre les lignes. Le ravin d'âge qui nous sépare ne m'effraie pas. Mais lui oui, un peu, je crois. Je sais pas. Je nous vois partout. Dans le film d'hier. Dans la pièce de théâtre de ce matin. Je trouve des similitudes à notre histoire presque impossible et je sais pas si c'est la fatigue qui me fait monter les larmes aux yeux dès que je nous identifie à travers un homme plus vieux qui n'arrive pas à aimer une fillette désemparée. J'ai atteint ma majorité il y a belle lurette. Nous ne sommes pas illégal, juste un peu anormal. Quatorze ans nous séparent.

« Il est parfois bon de se noyer, mais t'es pas chiche. Comme dans Malibu Beach » chante Julien Doré. Mon homme me confie tard tard dans la nuit qu'il a peur de s'attacher. Il me dit : « Promet-moi que tu vas continuer de me parler quand tu auras un nouveau chum » J'ai promis. Mais, j'ai pas trop compris. On est pas encore un couple officielle et il regrette déjà le passé? « Pourquoi tu penses au futur? Vis l'instant présent », que je lui dit tout bas. « J'ai peur que tu partes » me dit mon grand bébé éméché. « Si je dois partir, je partirai. » Il me dévisage, les yeux tout écarquillés. Je dois l'effrayer à lui radoter mes milles idées de voyage... À l'embarquer dans ma bulle de bonheur que je ressens dès que je suis ailleurs, le laisser rêvasser sur l'exotisme de l'étranger. « Mais tu me donnes pas envie de partir » que je finis par avouer tout sourire avant de l'embrasser.

« Et je ne sais plus à quoi penser... » chante Cdp. Un peu déboussolée.

Avant, j'effrayais les garçons parce que j'avais trop vécu pour mon âge j'imagine. Parce que l'ambition me sort par les oreilles. Lui, ça l'inspire. Mais que faire de ce comming out inatendue aux aurores, au bout de la nuit. Que faire d'un homme comme lui. Qui me fascine, qui m'attire, qui me comprend, qui me couve de milles petites attentions...

Je sais qu'un plus joli m'enlacera après quelques bières lors de ma prochaine sortie. Une belle gueule pas de tête à vue de nez, qui lui arrivera jamais à la cheville.

J'ai l'impression de me découvrir à force de le connaître.

Comme si j'allais me révéler si je continue à l'aimer, à coup de respiration saccadée.

Comme si mon avenir deviendrait aussi clair qu'un souffle chaud sur la givre d'une vitre d'hiver.